Sujet 1 : la syllabe
Un jour de juin, Lou vint me voir et me dit :
« - Oh mon Dieu ! Je crois bien que je perds des mots.
- Ah bon ? lui dis-je d’un ton niais. Et, que fais-tu donc pour ça ? Tu les sèmes ? Mieux … tu les vends ? Mais à qui ? Ha, ha, ha !!! Il n’y a que des trucs trop « pop » dans ta vie !!! L’autre jour, c’est ton ûd qu’on vole dans ton van bleu. Une autre fois, c’est ta frise d’ures qui tombe dans le spa. Il y eut tes skis blancs qui coulent dans le lac, le mec qui prend ton lot de mil pour des nems, le sot … Et j’en passe … Dans le fond, c’est quoi ce qui te prend le chou ?
- Je ne sais pas, dit Lou en kilt rouge, blême et pas au top du tout. Je ne sais pas. Juste, ils s’en vont je crois. Je n’ai plus un seul grand mot. En tout cas, je ne les dis plus. Ils sont coin____ là. Et pff. Ca ne sort pas. Et je me sens toute nue sans tous mes mots. »
Ce n’est pas vrai ça, me dis-je en moi-même ; elle est un peu ouf, la pauv’. Et puis est-ce très grave en fin de compte ? Mais elle qui aime les beaux mots, elle va, pour sûr en av___ gros sur la pa_________. Oh la ! Qu’est-ce qui se passe là ? Où sont mes longs mots ? C’est un gag …
« -Lou ! Au se____ !!!! Pst ! Ce n’est pas cool du tout ça. Qu’as-tu fais ? C’est un sort ! Un sort que tu jètes à ta pote ? Tu oses ? …. Ou pire ? Un vol …. Ou bien est-ce un mal qui passe de l’un à l’autre ton truc ? Comme ça ? De gré à gré ? Hic …
- Heu … Je ne sais pas, fit Lou. Je ne crois pas. Mais, en vrai, je n’en sais rien. Tu es la seule âme à qui j’en ai dit un mot. Les aut’ n’ont rien vu. Rien dit. Et moi, j’ai su que …. que quand je n’ai plus pu dire que des pas grands mots. Les grands mots, ils sont bien là, dans ma bouche mais pas moy___ qu’il en sort un seul. Oui ! oui. Je sais que ça ne se dit pas com’ ça. Je sais bien que c’est une faute. Mais que faire, hein ?! …. C’est nul. Nul de chez nul. Et c’est trop dur pour moi. Je crois être dans un ruz. Je suis si trist'. J’aime tant les beaux grands mots ! Mer___de !!! Je hais ça. C’est un sac. Un crime. Pff !! Je te le dis : ce n’est pas gai de ne pas peut dire de longs mots …. ou de ne faire que des fautes. Comme là. Bouh, hou, hou !!! Je me sens à huis clos dans ma tête. Un zek je suis, tiens ! Stop !!!!! J’en ai marre. Je peux trop peu. J'en peux plus. Ce n’est pas de pot quand même. Tu sais quoi Kim ? Comme j’ai les mots-bots et que je suis, à mon grand dam, dans la broue je me dis : peut-on choir plus bas ? Ca ne veut rien dire ??? Bouh, hou, hou (bis)… Je me rends. J’en ai … ras le bol. Du coup, je crois que je vais au Puy boire un coup au bar bio du beau Bob qui est psy et coupe-tif au____. Bon !! J’y vais. Je suis bonne pour un coup de rob. Oui. C’est beurk ‘Cré nom de Dieu. Oups !!! Je jure …. Zut à la fin. Bye les gens. Je pars. Zou ! » dit Lou.
Petits mots « nouveaux »
ûd : instrument oriental
ure : syn. auroch
ruz : bassin de réception d’eaux torrentielles
zek : détenu d’un goulag
broue : mousse, écume
rob : suc de fruit épaissi
Sujet 2 : sardinausore
Le Belugazelle, animal mythique révélé dans les récentes traductions de tablettes d'argile mésopotamiennes, dont personne ne pensait qu’il existait, a été observé le 17 mai dernier dans le delta de l’Okavango qui, comme chacun le sait, se déverse dans le désert du Kalahari.
L’animal blanc immaculé observé en mai dernier par un touriste randonnant en solitaire se trouvait à proximité du rivage et « nageait à très faible vitesse et semblait ‘prendre son temps’ ; il avait la tête et la queue hors de l’eau et semblait tout droit sorti d’un grimoire » rapporte l’homme encore stupéfait.
Sa présence corrobore donc les légendes sumériennes dont le récit a été littéralement gravé dans l’argile en 2 800 avant notre ère. Les fragments récemment traduits parlent d’un spécimen unique et bienfaisant en ces termes « le ghazal blanc aux yeux d’onyx traverse l’océan souterrain d’où jaillissent les sources d’eau douces plus vite que le vent. Sa vie n’a pas de fin et il possède des pouvoirs magiques donnés par Eà. »
Cette observation est une toute première mondiale. En effet, le dernier « humain » ayant observé ce splendide animal serait le héros babylonien Enumapsû il y a plus de 5 000 ans si l’on en croit les tablettes.
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La photo qui fait le tour du monde. |
Malgré sa stupéfaction, le touriste a réussi à faire une photographie de qualité moyenne mais qui permet malgré tout de voir distinctement le Belugazelle. Dans les jours suivants l’annonce de cette incroyable observation, les rédactions du monde entier ont proposé des sommes astronomiques pour en obtenir l’exclusivité ; toutefois le randonneur se dit avoir été immédiatement « touché par la grâce » et a choisi d’offrir son unique cliché à l’Humanité entière et confiait « je n’ai pas besoin d’argent. Je suis l’homme le plus riche du monde désormais. »
Il semblerait que la légende soit donc fondée : le Belugazelle posséderait bien le pouvoir magique d’offrir la sagesse et la sérénité à quiconque arrive à le voir.