AEV09 : sujets de juillet 2015

Sujet 1 Autoportrait
A la façon du peintre, en soignant le détail, brossez votre portrait physique. Décrivez, le plus fidèlement possible, votre visage actuel. Ne parlez jamais de votre caractère ou de vos goûts.

Soyez attentif au vocabulaire afin de reproduire une image nette que vos lecteurs se représenteront facilement.

Sujet 2 UNE HISTOIRE, UN CONTEXTE : Michel Berchette
Dans la forme que vous voulez, racontez cette histoire :
Le récit se passe dans une chambre le lendemain d'une déclaration de guerre. Le personnage principal est âgé de 24 ans, il se nomme Michel Berchette, son activité principale: vendeur sur les marchés. Il faut savoir que ce personnage  est intuitif et que son passe-temps favori est le parachutisme. Le thème principal de cette histoire est: Il y a deux jours, le facteur lui a remis une lettre qui ne lui est pas destinée. Cette lettre contient….

AEV09 : je vous embrasse … du bout des lèvres !

1 AUTOPORTRAIT

Mon amie, vous me demandez de vous envoyer un portrait de moi. Hélas, je ne dispose d’aucune photographie récente de mon visage. Mais, que penseriez-vous d’une description détaillée la plus fidèle possible ? Vous connaissez déjà mon âge, inutile de le préciser. Il vous suffira d’ajouter quelques rides oubliées, ou volontairement omises.

Ma chevelure n’a pas trop souffert du vieillissement. Peu de blancs parmi les châtains clairs. J’ai toujours porté des cheveux coupés assez courts, surtout autour des oreilles et sur la nuque, avec une raie côté gauche, c’est-à-dire à droite lorsque, le matin, je me regarde dans mon miroir. Quelques mèches s’échappent sur mon front, afin de  masquer, certes inefficacement, les traces des tourments du passé. Je porte la barbe, taillée court elle aussi, avec de nombreux poils blancs au menton en galoche, ce qui porte mon âge avec plus de confort. Rien à dire sur les oreilles, parfaitement ordinaires et rosées. La peau de mes bonnes joues, rose elle aussi, contredit mon appartenance à la race blanche. Mais pour moi, la notion de race est totalement démodée, soit dit en passant. Vous l’aviez noté, je crois.

Le nez ? Ah ! le nez, quel personnage au centre de ma face ovale, surplombant une moustache brune et séparant les yeux, toujours un peu rieurs, comme si la vie n’était qu’une vaste farce ! J’arbore un nez droit, charnu, de taille moyenne, disons bien proportionné par rapport à l’homme qu’il précède en toute occasion.

Chère amie, vous voulez en savoir plus sur le miroir de mon âme, je vous comprends.
Mes yeux sont petits, ils ont la forme et la couleur de l’amande, et pétillent sous une quasi absence de sourcils. Ce qui fait de moi un vrai nordique, nonobstant la couleur de ma peau, c’est cette modestie dans le sourcil. Vous ai-je entretenu de mon sourire ? Pas encore !


Bouche aux lèvres minces, la supérieure peu visible sous la moustache, petites dents blanches et serrées, à peine montrées dans un sourire tout chargé d’ironie. C’est la situation qui veut ça. Bon, chère amie, en attendant la vérification de la pertinence de ma peinture, je vous embrasse du bout des lèvres, bouche en cœur et cœur en émoi.

AEV09 : John et Claire

SUJET 2 Michel Berchette

John et Claire habitent une petite maison à la sortie du village. Ils succèdent à Aurélie qui est partie rejoindre son mari. John et Claire vivent en parfaite harmonie, en confiance, et c’est pour cela que le mari a la tâche –et le plaisir- d’ouvrir tout courrier. Ce matin trois lettres et un. 
Un timbre attire son attention. Tiens une lettre du Brésil, ça doit être John qui relate son concours de parachutisme à Jaboatao.

« Ma chérie tu as eu raison de m’écrire. Moi je n’osais pas après tant d’années et ce qui s’est passé. Ta première grossesse, c’est formidable. »

Là, John s’arrête de lire et regarde le destinataire sur l’enveloppe.

- Oh my Go my God !!

- Papy qu’est-ce qu’il y a, lui demande sa petite fille bilingue ? Non pas par curiosité, mais pour déterminer l’importance de ce message John avait déjà repris la lecture tandis que la petite et sa mamie le rejoignaient.

- Oh my God !!! Le visage de John s’assombrissait au fur et à mesure les yeux rivés sur cette lettre à l’écriture appliquée. C’est donc ça, ce regard lointain qu’avait Aurélie. Malgré le bonheur de porter un enfant, elle était inlassablement triste. Tu te rappelles Claire je t’avais fait la remarque.

Il faut impérativement lui faire parvenir cette lettre de son père. J’irai voir le facteur. Non le directeur de la poste en personne. Son suivi de courrier est arrivé à terme, et à cause de la provenance et de la grève des compagnies aériennes, cette réponse est arrivée après le délai de suivi de courrier.

Oh my God  my God !! John  n’a pas le courage ni l’envie de poursuivre la lecture jusqu’à la fin, et
tend la lettre à sa femme. 

Le mari d’Aurélie est militaire en Afrique. Pourvu qu’il n’ait pas été encore muté, dit Claire. 22 ans, tu te rends comptes, 22 ans qu’ils ne se parlaient  plus.


C’est une très bonne initiative de lui avoir écrit pour cette occasion. Elle doit l’attendre cette réponse, se morfondre. Et c’est pas bon dans son état. La petite Laure qui a suivi toute la conversation sans mot dire, et au vu des visages de ses grands parents, comprit que la situation était grave urgente. Elle agrippa les mains de papy et mamie. Claire celle de John restant libre, et, ainsi unis ils firent le vœu que la lettre parvienne à Aurélie avant que son bébé vienne.

AEV09 : l'enveloppe rose

SUJET 1 Autoportrait
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Sans fards, mon visage est plutôt pâle et, sans être laiteux, mon teint, celui d’une blonde. Un comble pour la brune de lignée solaire que je suis … Plutôt ouvert, ce n’est pas pour autant un visage que l’on peut qualifier de souriant. Même s’il est plutôt jovial, je ris surtout … intérieurement … mais mes yeux le hurlent … en toute indiscrétion. Mon visage n’a pas les caractéristiques de la beauté occidentale et j’aurais été un dilemme à peindre pour le grand Léonard, maître des proportions. Non ! Mes traits ne sont pas franchement symétriques ; bon ! pas au point d’être « Maya » vue par Pablo P., mais assez pour classer ma beauté à la rubrique « ingrate ». Alourdi par les épreuves de la vie et j’avoue, quelques décennies de « trop », son ovale s’est acoquiné avec un cercle qu’une épaisse crinière sel et poivre, courte en ce moment, sertit en toute liberté. Le front est large : serpenté de trois rides profondes venues très tôt alors que  je scrutais, dans l’horizon des déserts de pierres de mon enfance orientale, des mirages éthérés ; il porte aussi la marque d’un combat acharné contre la varicelle qui m’a vaincue : un cratère. En miniature. 

Au centre de mon visage un nez que j’aurais rêvé moins large. Plus discret. Plus distingué précisément. Un nez qui a la particularité d’avoir une narine ovale et l’autre ronde. Cela ne le rend pas vraiment disgracieux … enfin, je crois. Ca ne fait pas grand chose pour lui non plus. Bref ! ce que l’on voit en premier, j’espère, ce sont les deux grands yeux que ce gros nez sépare. Taquins, ils battent des cils denses qui cachent des pensées indicibles ici. Sensibles, ils baignent dans des brumes insondables d’émotions débordantes. Bruyants, ce sont deux incorrigibles bavards qui trahissent souvent les pensées que la bienséance me dicte de taire. Ils sont généralement sertis de kohol hindi : un trait noir profond et brûlant d’épices secrètes qu’une épine de porc-épic éthiopien dépose à l’intérieur de deux amandes de jade. J’aime ça, quand mes yeux ont cette couleur sauvage, d’espoir, de liberté … de jungle. 

Ma bouche s’affiche gourmande lorsque je la farde de roses incendiaires et de rouges assagis. Sans être pulpeuses, mes lèvres sont épaisses et assez longues pour tracer un généreux sourire surplombé, à droite, d’une sorte de grain de beauté apparu un jour … installé depuis. Deux fines rides ont sculpté leur chemin tout droit vers la mâchoire … le signe des femmes Capricorne, si j’ai bien compris.

Le menton, ni fier ni pointu, ni déterminé, ni soumis d’ailleurs, c'est important, il ponctue une mâchoire légèrement masculine que des muscles épais articulent de très nombreuses heures par jour … pour parler. Et sourire. Parfois pour rire.

Ni mon âge, ni mes nuits trop courtes, ni la gourmandise avec laquelle j'ai croqué dans la vie n’ont, encore marqué de façon indélébile mon visage. J’ai bien quelques cernes parfois mais elles ne tapent pas l’incruste. Elles passent juste, histoire de me rappeler que rien ne dure toujours.

Quant à mon corps … s’il a perdu, au gré des épreuves et de mes égarements, beaucoup de sa souplesse et de son harmonie, s’il est indéniablement plus imposant que sportif, plus gauche qu’agile, c’est que je ne l'ai guère ménagé, pensant qu'il saurait quoi faire de mes imprudences. Voilà ! Il ne reste rien du souvenir de ma jeunesse triomphante, élancée, dynamique ; mon corps est devenu la lente carcasse d’une vieille femme à la démarche mal assurée.  Et si ce corps prématurément vieux promène encore mon coeur fatigué d'épreuves mais jeune d'espoirs et d'envie, c'est qu'il bat encore la chamade lorsque, dans mes grands yeux de jade inchangés, chaque jour il plonge un regard amoureux et, tenant mon visage dans ses mains de Titan, il ordonne : « surtout .… ne change pas. »



SUJET 2 UNE HISTOIRE, UN CONTEXTE : Michel Berchette
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Mardi. Le facteur dépose sous la porte de Michel Berchette une lettre destinée à Michal Rashate, son voisin de pallier. Le facteur devait être plus pressé qu’à l’accoutumé. Les évènements. Assurément. Et puis, il faut bien le dire : Michal est un homme inquiétant. Sombre. Il ne parle que rarement, mais lorsqu’il ouvre la bouche, c’est une voix ténébreuse et brutale qui fait trembler les murs qui s’exprime. Evidemment, personne ne tient vraiment à lui adresser la parole.  Surtout pas le frêle facteur Dupuis. Bref, depuis mardi, Berchette se demande quoi faire de l’enveloppe rose … trop rose peut-être et parfumée ! … Presque indiscrète.
Mercredi : noir total. Beaucoup de va et vient dehors. Berchette ne bouge pas de la journée. Terré dans un couloir de 2,5 mètres carrés surplombé d’une fenêtre crottée, il attend le retour au calme.
Jeudi matin, indécis, Berchette ne sait toujours pas que faire. Il triture l’enveloppe rose, oubliant presque qu’elle ne lui est pas destinée. La plie. En avion. En cercles improbables, en carrés « rectangulaires » … Les mots, à l’intérieur, se superposent, créant des fragments insensées : « un jour tu aur…ais dû imaginer » ou « Je deux mains, jeux vis l’un … ». Des histoires sans queue ni tête qui, au fil des pliages racontent des réalités ébouriffantes  et quelques sottises plausibles dont personne ne saura jamais rien. 
« De toute façon, c’est décidé  ! je n’irai pas voir ce fou. Après tout, il n’en saura rien, s’était-il dit à lui même, triomphant. Et, portant l’enveloppe sous sa fine moustache, l’homme ne put s’empêcher d’imaginer une courtisane en négligé de soie rouge ayant lentement caressé l’enveloppe sur un long cou diaphane jusqu'à la naissance d’une poitrine porcelaine, généreuse, provocante … 
— D’toute façon, j’vois pas bien c’qu’une fille peut raconter à c’type-là. Y’a rien d’intéressant là-d’dans, se rassura Berchette. … Personne n’en saura rien. »

Jeudi soir. L’homme jeune, grand, roux, au visage émacié par des jours de disette, tient toujours la lettre entre ses longs doigts de pianiste. Il s’approche du miroir accroché on ne sait comment à l’outremer délavé des murs criblés d’impacts d’une salle de bains figée dans un siècle passé, pose la paume de ses mains robustes sur son visage blême et, laissant glisser l’enveloppe sur l’émail crasseux du lavabo carré, éclate en sanglots. Il voudrait oublier l’horreur à laquelle il assiste depuis lundi. Dans le silence religieux de ceux qui ne veulent pas qu’on les trouve. Protégé, de l’autre côté de sa fenêtre crottée il n’avait pas pu échapper à l’odeur pestilentielle portée par des brassées vaporeuses de poussières translucides, composée des os des morts, de leurs maisons explosés et de leur terre mutilée et brûlée, réduites en cendres grasses qui déferlaient sur la rue comme un linceul de honte sur la rue. La rue entière, maculée de corps sans vie ; morts subitement. Au hasard d’une frappe. Forcément chirurgicale. Ca s’appelle un « dommage collatéral ». Berchette n’en supporte plus la vue. Pensez ! Depuis le début de la semaine, le spectacle ne s’était pas amélioré. Il s’accroche à l’enveloppe rose de la fille en négligé rouge, au parfum léger et au port altier … et se rêve accroché à son de soie blanche suspendu comme chaque dimanche, entre les rivières et les étoiles dans le silence bienfaisant, loin au-dessus des rats qui grouillent bruyamment dans la bêtise assumée de leurs villes de béton gris.


« — Tu vas y arriver Berchette, dit-il, forçant le volume de sa voix chevrotante comme pour se donner du courage. Tu vas y arriver. (…) Tu le dois, continua-t-il dans un murmure. Et, levant des yeux d’un bleu plus bleu que le ciel de Provence vers le miroir, Berchette sembla un instant vouloir se noyer dans l’image, accrochée à un tain prématurément vieilli, d’un regard perdu duquel coulaient des fleuves de regrets et des torrents d’amertume. Tu dois oublier Michel. Et, dans un hurlement qui sembla déchirer la nuit, martelant le mur outremer maculé d’impacts, sa colère salivant jusque dans le lavabo crasseux, les mots hachés de sanglots, Berchette lâcha, Ou-blie. Oublie donc connard ! ».

PENSÉE DU MOIS

PENSÉE DU MOIS