Ti- Feu la luciole était jeune et insouciante . Un jour , elle partit rendre visite à ses amies et oublia l’heure que son père lui avait toujours interdit de dépasser . Quand elle arriva , le soleil était déjà prêt de se coucher et son père l’attendait de pied ferme . Furieux , il souffla sur elle et lui dit : « Tu ne retrouveras la lumière que lorsque tu auras prouvé que tu es redevenue digne de confiance . »
Piteuse , elle s’en fut en pleurant . Sa sœur cadette , Ti-Flam , la rattrapa et lui glissa à l’oreille : « Ti-Feu , maman te fait dire que si tu parviens à la Soufrière , tu retrouveras la lumière et tu deviendras même plus belle qu’avant ! »
Ragaillardie par les propos de sa sœur , Ti-Feu s’enfonça dans la forêt . Elle commençait à peine à s’habituer à l’obscurité , aux lianes et aux fougères gigantesques quand une pluie diluvienne la terrassa . Notre pauvre clindindin tomba , essaya de se relever , mais ses ailes étaient prisonnières de branchages que la violence de la pluie avait arrachés aux arbres . Elle se mit à sangloter , regrettant amèrement son insouciance qui l’avait conduite jusque là . Une fourmi qui passait par là , entendit ses pleurs et s’approcha .
« Que t’est-il donc arrivé ma pauvre petite ? »
« Je me rendais à la Soufrière afin de retrouver la lumière qui m’a été ôtée par mon père à la suite de ma désobéissance , mais la pluie m’a surprise et m’a jetée sous ce tas de branchages dont je ne puis me dégager . »
« Ne pleure pas , je vais te tirer de là . »
La fourmi se mit au travail et quelques instants plus tard , notre clindindin était à nouveau libre . Comme Ti-Feu allait repartir après avoir vivement remercié la fourmi , celle-ci lui dit : « Prends ce brin de fougère ; une fois parvenue sur les flancs de la Soufrière , tu t’en couvriras et il te protégera » . Ti-Feu la remercia de nouveau et reprit sa route . Mais ses ailes étaient encore lourdes de pluie et elle alla se poser sur une feuille d’hibiscus qui brillait au soleil . Ses ailes étaient à peine sèches qu’un colibri s’approcha le bec ouvert dans l’intention de la gober . Ti- Feu se voyait déjà morte quand une queue verte vint fouetter le colibri qui tomba , étourdi par le choc . C’était un iguane qui venait de sauver Ti-Feu . Celle-ci lui exprima sa gratitude et l’iguane lui demanda alors : « Mais que fais-tu toute seule dans un endroit si dangereux ? » Et , pour la deuxième fois , elle raconta sa triste histoire . L’iguane ému , lui dit alors : « Ne te désespère pas , je suis déjà bien vieux , mais je vais t’emmener aussi loin que mes vieilles pattes me le permettront ».
Ti-Feu , ravie , s’installa sur la crête de son sauveteur et ils se mirent en route . Le lendemain les trouva épuisés au bord d’une rivière .
« Je ne puis aller plus loin , lui dit l’iguane tout essoufflé , mais avant de te quitter , laisse moi te remettre cette écaille incombustible qui te permettra de récupérer ta lumière perdue ». Ti-Feu le remercia vivement et l’iguane disparut dans la forêt , après un dernier fouettement de queue pour lui dire adieu .
Ti-Feu prit son élan , s’apprêtant à traverser la rivière rendue menaçante par les pluies de la veille . Malheureusement ses ailes étaient encore froissées et elle ne put s’envoler . Elle se demandait tristement comment elle allait pouvoir continuer sa route quand elle entendit un cri de joie poussé par un jeune garçon . Celui-ci tenait à la main un jeune ouassou qui criait à fendre l’âme ! Révoltée , Ti-Feu , oubliant ses souffrances , parvint à s’envoler et se posa sur le nez du garnement , qui , surpris , relâcha la petite écrevisse qui courut se réfugier auprès de sa maman . Dépité , le jeune garçon quitta les lieux . Maman Ouassou sortit alors de sa cachette et s’approcha de Ti-Feu qui se remettait péniblement de ses efforts .
-« Tu as sauvé la vie de mon enfant , petite luciole . Que puis-je faire pour toi en retour ? »
-« Pourrais-tu m’aider à traverser cette rivière ? La pluie a abîmé mes ailes et je ne puis gagner la Soufrière où me sera rendue la lumière que j’ai perdue en me montrant désobéissante ».
- « Monte sur mon dos et je me ferai un plaisir de te déposer sur l’autre bord . »
Elles partirent , suivies du petit ouassou qui batifolait joyeusement autour d’elles . Une fois arrivées sur l’autre rive , la maman ouassou la déposa délicatement et lui dit :
-« Avant de partir , laisse –moi te donner la formule magique qui provoquera une petite colère du volcan de la Soufriére et te permettra de récupérer ta lumière » . Elle s’approcha de Ti-Feu et lui souffla dans l’oreille : « Une fois que tu seras sur les flancs de la montagne , chante lui fort « Vulcana , ta pipe s’est éteinte . Es-tu capable de la rallumer ? Non , non non , tu es bien trop vieille ! ».
Ti-Feu la remercia chaleureusement et reprit sa route . Après avoir longtemps marché , elle aperçut enfin les flancs de la montagne , alors que la lune se levait . Rassemblant ses dernières forces , Ti-Feu vola d’une traite et s’accrocha à une roche non loin du cratère . Là elle se couvrit de la fougère , tendit l’écaille devant elle , respira profondément et chanta à tue-tête : « Vulcana , ta pipe s’est éteinte . Es-tu capable de la rallumer ? Non , non , non , tu es bien trop vieille ! »
Réveillée par une telle audace , la vieille Dame Soufrière s’ébroua , faisant entendre un grondement terrifiant qui fit surgir une gerbe d’étincelles . Surmontant sa peur , Ti-Feu réagit aussitôt , avança son écaille et attrapa au vol une étincelle . Elle attendit que la colère de la vieille dame se calmât mais celle-ci s’était déjà rendormie . Redevenue aussi belle qu’avant , Ti-Feu s’en fut toute heureuse .
Au petit jour , elle était devant la porte de ses parents . Tout heureux d’avoir retrouvé leur fille plus belle et plus raisonnable qu’avant , le père organisa une grande fête à laquelle tous les clindindins de la Guadeloupe furent invités . Toute la nuit , le ciel fut illuminé par leurs joyeuses danses et c’est ainsi que la fourmi , le vieil iguane , maman ouassou et son petit apprirent que Ti-Feu était de retour dans sa famille .
Et même la Vieille Dame eut son sommeil troublé par tant de lumière !
FIN