AEV09 : TI-FEU LA LUCIOLE

Ti- Feu la luciole était jeune et insouciante . Un jour , elle partit rendre visite à ses amies et oublia l’heure que son père lui avait toujours interdit de dépasser . Quand elle arriva , le soleil était déjà prêt de se coucher et son père l’attendait de pied ferme . Furieux , il souffla sur elle et lui dit : « Tu ne retrouveras la lumière que lorsque tu auras prouvé que tu es redevenue digne de confiance . »
Piteuse , elle s’en fut en pleurant . Sa sœur cadette , Ti-Flam , la rattrapa et lui glissa à l’oreille : « Ti-Feu , maman te fait dire que si tu parviens à la Soufrière , tu retrouveras la lumière et tu deviendras même plus belle qu’avant ! »
Ragaillardie par les propos de sa sœur , Ti-Feu s’enfonça dans la forêt . Elle commençait à peine à s’habituer à l’obscurité , aux lianes et aux fougères gigantesques   quand une pluie diluvienne la terrassa . Notre pauvre clindindin tomba , essaya de se relever , mais ses ailes étaient prisonnières de branchages que la violence de la pluie avait arrachés aux arbres . Elle se mit à sangloter , regrettant amèrement son insouciance qui l’avait conduite jusque là . Une fourmi qui passait par là  , entendit ses pleurs et s’approcha .
« Que t’est-il donc arrivé ma pauvre petite ? »
« Je me rendais à la Soufrière afin de retrouver la lumière qui m’a été ôtée par mon père à la suite de ma désobéissance , mais la pluie m’a surprise et m’a jetée sous ce tas de branchages dont je ne puis me dégager . »
« Ne pleure pas , je vais te tirer de là . »
La fourmi se mit au travail et quelques instants plus tard , notre clindindin était à nouveau libre . Comme Ti-Feu allait repartir après avoir vivement remercié la fourmi , celle-ci lui dit : « Prends ce brin de fougère ; une fois parvenue sur les flancs de la Soufrière , tu t’en couvriras et il te protégera » . Ti-Feu la remercia de nouveau et reprit sa route . Mais ses ailes étaient encore lourdes de pluie et elle alla se poser sur une feuille d’hibiscus  qui brillait au soleil . Ses ailes étaient à peine sèches qu’un colibri s’approcha le bec ouvert dans l’intention de la gober . Ti- Feu se voyait déjà morte quand une queue verte vint fouetter le colibri qui tomba , étourdi par le choc . C’était un iguane  qui venait de sauver Ti-Feu . Celle-ci lui exprima sa gratitude et l’iguane lui demanda alors : « Mais que fais-tu toute seule dans un endroit si dangereux ? » Et , pour la deuxième fois , elle raconta sa triste histoire . L’iguane  ému , lui dit alors : «  Ne te désespère pas , je suis déjà bien vieux , mais je vais t’emmener aussi loin que mes vieilles pattes me le permettront ». 
Ti-Feu , ravie , s’installa sur la crête de son sauveteur et ils se mirent en route . Le lendemain les trouva épuisés au bord d’une rivière . 
« Je ne puis aller plus loin , lui dit l’iguane tout essoufflé , mais avant de te quitter , laisse moi te remettre cette écaille incombustible qui te permettra de récupérer ta lumière perdue ». Ti-Feu le remercia vivement et l’iguane disparut dans la forêt , après un dernier fouettement de queue pour lui dire adieu .
Ti-Feu prit son élan , s’apprêtant à traverser la rivière   rendue menaçante par les pluies de la veille . Malheureusement ses ailes étaient encore froissées et elle ne put s’envoler . Elle se demandait tristement comment elle allait pouvoir continuer sa route quand elle entendit un cri de joie poussé par un jeune garçon . Celui-ci tenait à la main un jeune ouassou   qui criait à fendre l’âme ! Révoltée , Ti-Feu , oubliant ses souffrances , parvint à s’envoler et se posa sur le nez du garnement , qui , surpris , relâcha la petite écrevisse qui courut se réfugier auprès de sa maman . Dépité , le jeune garçon quitta les lieux . Maman Ouassou sortit alors de sa cachette et s’approcha de Ti-Feu qui se remettait péniblement de ses efforts .
-« Tu as sauvé la vie de mon enfant , petite luciole . Que puis-je faire pour toi en retour ? »
-« Pourrais-tu m’aider à traverser cette rivière ? La pluie a abîmé mes ailes et je ne puis gagner la Soufrière où me sera rendue la lumière que j’ai perdue en me montrant désobéissante ».
- « Monte sur mon dos et je me ferai un plaisir de te déposer sur l’autre bord . »
Elles partirent , suivies du petit ouassou qui batifolait joyeusement autour d’elles . Une fois arrivées sur l’autre rive , la maman ouassou la déposa délicatement et lui dit :
-« Avant de partir , laisse –moi te donner la formule magique qui provoquera une petite colère du volcan de la Soufriére et te permettra de récupérer ta lumière » . Elle s’approcha de Ti-Feu et lui souffla dans l’oreille : « Une fois que tu seras sur les flancs de la montagne , chante lui fort « Vulcana , ta pipe s’est éteinte . Es-tu capable de la rallumer ? Non , non non , tu es bien trop vieille ! ».
Ti-Feu la remercia chaleureusement et reprit sa route . Après avoir longtemps marché , elle aperçut enfin les flancs de la montagne , alors que la lune se levait . Rassemblant ses dernières forces , Ti-Feu vola d’une traite et s’accrocha à une roche non loin du cratère . Là elle se couvrit de la fougère , tendit l’écaille devant elle , respira profondément et chanta à tue-tête : « Vulcana , ta pipe s’est éteinte . Es-tu capable de la rallumer ? Non , non , non , tu es bien trop vieille ! »
Réveillée par une telle audace , la vieille Dame Soufrière s’ébroua , faisant entendre un grondement terrifiant qui fit surgir une gerbe d’étincelles . Surmontant sa peur , Ti-Feu réagit aussitôt , avança son écaille et attrapa au vol une étincelle . Elle attendit que la colère de la vieille dame se calmât mais celle-ci s’était déjà rendormie . Redevenue aussi belle qu’avant , Ti-Feu s’en fut toute heureuse . 
Au petit jour , elle était devant la porte de ses parents . Tout heureux d’avoir retrouvé leur fille plus belle et plus raisonnable qu’avant , le père organisa une grande fête à laquelle tous les clindindins de la Guadeloupe furent invités . Toute la nuit , le ciel fut illuminé par leurs joyeuses danses  et c’est ainsi que la fourmi , le vieil iguane , maman ouassou et son petit apprirent que Ti-Feu était de retour dans sa famille .
Et même la Vieille Dame  eut son sommeil troublé par tant de lumière !


                                                                                                                                                  FIN

AEV09 : Au paradis

TROIS VOEUX
Soudain, je me suis senti au Paradis. Imaginez-vous la forêt amazonienne, des arbres gigantesques d’où de longues lianes ruissellent comme des filets d’eau. Il me prend tout à coup l’envie de m’y suspendre, puis de grimper tout en haut d’un banian. Je parviens épuisé mais ravi au plateau des cimes verdâtres, éclaboussées de soleil. À perte de vue, la canopée de la forêt vierge que des nuées d’oiseaux aux plumages multicolores survolent en harmonie.
De l’horizon s’approche de moi une espèce de martien bleuâtre. Il ne touche qu’à peine les houppiers, vole plus qu’il ne marche. Inquiet, je n’ose bouger. Peut-être passera-t-il sans me voir, moi, l’homme sans foi ni loi, l’incrédule, le sauvage ? Je tente de me camoufler derrière le feuillage du banian. Je le comprends rapidement, c’est inutile, le génie couleur de pervenche me débusque et fait mine de se jeter sur moi. Il s’arrête à portée de bras. Ses yeux, deux pistolets braqués sur moi, me transpercent. Je suis comme paralysé par le regard de ce nabot tout tordu. À la place du nez, une sorte de rose des vents et sous cette étoile à seize branches une bouche verticale qui articule avec un fort accent d’outre-tombe des mots brefs, hachés, télégraphiés : « Trouvé ! Gagné ! Vœux ! Trois ! À toi ! »
  • Quoi, je hurle, terrorisé !
  • Toi vœu ! Vœu pour toi. Vite dire.
  • Voler, je veux voler !
C’est sorti tout seul ! Voler a toujours été mon rêve. À peine ai-je formulé ma requête que des ailes me poussent aux omoplates et battent déjà pour me permettre de comprendre comment les secouer. De fait, de nouveaux muscles garnissent mon dos et je m’entraîne à remuer mes ailes d’un joli brun tacheté, un peu comme celles d’un grand rapace ; vautour ou balbuzard, vous voyez ? Avec beaucoup d’appréhension, je me lance pour un premier vol et ça marche. Ça marche ! Le génie se tord la bouche. Ce doit être sa façon de sourire. Je vole, je vole, je vole ! Je tente les virages sur l’aile, le piqué, le vol plané. Je recherche les courants ascendants, contemple l’immense forêt sous mes pieds. Peu à peu d’autres oiseaux m’accompagnent dans mon vol, de plus en plus d’oiseaux en fait. Certains tentent de me donner la becquée, d’autres de se reposer sur mes fesses plates, les plus hardis de se jucher sur mon crâne pelé. Je comprends soudain qu’ils cherchent plutôt à m’éloigner, à m’éliminer, à me tuer. Des tous côtés des nuées de volatiles envahissent le ciel, se regroupent en bandes organisées juste pour m’attaquer de concert. Pour eux, je suis un intrus, un étranger, un barbare, je dois disparaître. Dans mon affolement, j’ai totalement perdu le nord ; je cherche désespérément le génie qui a exaucé ce vœu stupide. Où se cache-t-il le croque-mitaine ? N’est-ce pas lui là-bas sur la cime de l’ébène foudroyé ? Je me pose près de lui, je ne sais comment, mes ailes sont déplumées, leurs moignons sanguinolents désormais atrophiés pendent sur mes fesses, inutiles et douloureux. « Sale monstre, fais quelque chose, que je lui lance ! »
  • Vœu deux ! Pour ennemi !
  • Espèce de babouin, même à ma femme, à cette furie, je ne voudrais rien souhaiter de tel !
Que n’ai-je fermé mon bec ! Qui vois-je débouler de derrière un nuage ? Une Harpia harpyja, énorme rapace à la crête ébouriffée, avec un visage de femme. Qu’a-t-il donc compris ce vilain personnage ? Une harpie avec le visage de MA femme ! Je la vois très nettement qui fonce sur moi, toutes ailes déployées et qui se pose à mon côté. La branche vacille sous son poids. Sa lèvre supérieure, crochue, me caquète quelque chose que je ne comprends pas. Certainement encore des reproches, que pourrait-elle me dire d’autre ? Elle hoche sa tête de rapace comme pour me délivrer un message dont je ne saisis absolument rien. Je baisse les yeux sur elle, puis sur moi et horreur, je lui ressemble. « Harpia harpyja toi-même ! », voilà ce qu’elle veut me faire entendre. Je me déteste soudain, je déteste ma femme, cette harpie, je déteste le monde qui m’entoure, je déteste la création toute entière.
Le gnome bleuté va encore écarter sa bouche en long pour nous demander notre troisième vœu dans son langage de déterré.
  • Vœu dernier ! Pour humanité !
  • Pour l’humanité ? Pour l’humanité ! Pour l’humanité …
Il hoche sa tête de fouine passée sous une semi-remorque.
  • Pour l’humanité ? Qu’on rase l’Amazonie, bordel !

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Un homme est en train de peindre une grande façade. Un faux mouvement le fait basculer et chuter sans gravité de son escabeau en laissant une grande traînée de peinture orange. Trois passants ont assisté à la scène et la racontent à leur façon.
Il s’agit d’un enfant de 8 ans, son père, et une septuagénaire.


Rémi


« Bonjour les enfants ! Asseyez-vous. Qui veut me parler de son week-end ?
  • Moi ! Moi ! s’exclame le petit Rémi.
  • Je t’écoute, Rémi. Qu’as-tu de si intéressant à nous raconter ?
  • Dimanche, mon voisin a fait un vol plané et s’est fracassé contre son mur, m’sieur.
  • Ah ? Tu peux nous en dire plus ? Je ne comprends pas très bien.
  • Ben voilà. Pour essayer de voler, mon voisin a posé un escabeau contre le mur de sa maison. Mais … je n’ai pas compris exactement comment, mais il est tombé. L’escabeau aussi, de l’autre côté. Peut-être qu’en poussant fort avec les pattes, heu ! les pieds, l’escabeau n’a pas tenu. Mon voisin s’est retrouvé sur le gazon les bras en croix ; il hurlait. Ça n’avait pas marché, enfin, pas volé ! Entre l’escabeau et le voisin, sur le mur blanc, une grande trainée de sang, un peu rouge orange. Pourtant, le voisin n’avait rien. Il hurlait contre ce « putain d’escabeau » ; c’est le gros mot qu’il a dit en se relevant.
  • Du sang sur le mur ? Tu en es sûr ?
  • Non, mais on aurait bien dit du sang.
  • Ce n’était pas plutôt de la peinture ?
  • Non, m’sieur, parce que, pour apprendre à voler, on n’a pas besoin de pinceau. »
M. Duvernet
« Chérie, notre voisin est tombé en voulant repeindre sa façade. À peine en haut de l’escabeau, celui-ci a dû glisser, ou bien s’enfoncer d’un côté. Patatras !
  • Il s’est blessé ?
  • Non, rien de cassé. Il s’est plutôt trouvé bête, surtout qu’on était dehors avec Rémi et qu’on a failli éclater de rire. Quand il s’est relevé, il a regardé de notre côté et haussé les bras plusieurs fois. On aurait dit qu’il battait des ailes comme un oiseau.
  • Il s’est remis à sa façade ?
  • Eh bien non, son pot de peinture s’était renversé sur la pelouse. C’est rigolo, en chutant, le rouleau a laissé une grande traînée orange sur le mur. On dirait du Miró !
  • Tu exagères ! Du Miró. Ce n’est pas gentil pour lui. Orange, dis-tu ? ça va être horrible !
  • C’est une belle couleur ! C’est gai ! Ici, on n’ose pas apporter cette note de fantaisie dans nos façades, on n’écarte que du blanc cassé, à la rigueur du rose pâle, jamais de bleu, ni de vert, ni d’orange. C’est une bonne idée, orange !
  • Tu lui as parlé ?
  • Au voisin ? Ben non, je n’ai pas osé ; il pestait contre son escabeau, contre la poisse, contre la terre entière. Et Rémi m’a posé une question juste à ce moment-là. Il m’a demandé si j’avais déjà volé. Je lui réponds « Non ! Et c’est mal de voler ». Tu sais ce qu’il a ajouté, Rémi ? « C’est bien fait pour le voisin, alors ? » Je n’ai rien compris. Toi, tu sais pourquoi il a dit ça, hein, chérie ? »


Rosalie
« Ma pauvre Paulette, je viens d’assister à une scène qui n’a pas manqué de me plonger dans l’expectative. Le monde est vraiment bizarre. Attends ! Moi d’abord. Tu connais les Duvernet ? Lui est au Conseil ; elle, c’est la préparatrice à la pharmacie. Non, pas la pharmacienne, la préparatrice, celle qui porte une blouse blanche avec une étiquette là. Tu la connais ? Oui, eh bien il a voulu faire dans l’originalité, le mari. Attends.
Moi, j’allais chez Jeanne lui porter un morceau de clafoutis, qu’est-ce qu’on a comme cerises cette année, soit dit en passant, je passais rue de la Passementerie, je ne te le fais pas dire, et je lève les yeux vers la maison des Duvernet. Je vois le type les mains sur les hanches. Il me tournait le dos. Il regardait sa façade. Une horreur ! Il avait décoré, enfin, quand je dis décoré, je devrais plutôt dire défiguré sa façade avec une grande vomissure orange. Elle démarre sous la fenêtre du premier étage et part vers la droite pour s’arrêter à mi-hauteur de la porte d’entrée. T’imagine la traînée !
Le peintre, je devrais dire le barbouilleur, levait haut les bras, sans doute de joie devant son chef-d’œuvre. Son voisin était là aussi avec son gamin, tu sais, le garnement qui dit jamais bonjour. Ça promet ! Ils regardaient aussi, l’air un peu médusé. Quel spectacle ! J’espère qu’à la mairie, ils ne vont pas nous imposer ça pour nos maisons. N’manquerait plus qu’ça ! Tu te vois, Paulette, avec une arabesque vert fluo sous la fenêtre ? Du rouge à lèvres autour de la porte du garage ? Où va-t-on, je te le demande ? Quoi ? Tu es au courant ? C’est dans le PLU ? C’est quoi ça, le plu ? Ah ! C’est pour apporter un nouveau cachet au village ? C’est la pharmacienne qui lancé ça ? C’est sûr qu’avec toutes ces zébrures sur nos maisons, la migraine va nous gagner. Elle en vendra des tas de boîtes, de ses cachets, la pharmacienne ! Bon, à toi Paulette. C’est quoi ta nouvelle à toi ? »

AEV09 : la vérité vraie

3. Trois vœux


Oh génie, peu importe d'où tu sors, ta couleur, je crois en toi, voici mes trois vœux !


  1. Qu'à ce jour ma vie soit harmonieuse, en accord avec ma conscience.


  1. A toi que je déteste tant, devient à ce jour, un être d'exception, un modèle de bonté.


  1. Humanité, à cet instant, propage sur notre belle planète, l'amour inconditionnel qui est en toi pour l'éternité.


Amen !


5. Interprétation de la scène


  • « Maman, maman, j'ai vu un monsieur orange tomber de l'échelle et même pas mal !
  • Jérémy, dit son père, le monsieur est tombé d'un escabeau et non d'une échelle, et, il n'était pas orange, il avait seulement un peu de peinture orange sur ces vêtements.
  • Mais qu'est ce qui s'est passé au juste, interroge la femme ?
  • Moi, j'ai tout vu dit la grand-mère, un papillon s'est posé sur le rouleau de peinture et hop, dégringolade !
  • N'importe quoi maman, c'était son téléphone qui vibrait dans sa poche, ça la surpris et hop patatras !
  • C'est pas ça du tout s'exclama l'enfant, le monsieur, il voulait s'envoler pour rejoindre le papillon et son portable s'est mis à vibrer et hop bada-boum !
  • Et Jérémy tu te fous de nous !
  • Moi, j'ai trop de respect pour vous, mon papa et mamie adorés !
  • Vas y continu à te payer notre tête, chérie, je te jure que j'ai entendu le vibreur !
  • Et moi je l'ai vu le papillon !
  • Stop, tous les deux, vous allez me rendre ma boule et toi Jérémy dis moi la vérité !
  • Tu vas rigoler maman, le monsieur, il nous a vu quand on était entrain de pisser sur ses rosiers, et hop, il a fait un sacré vol-plané !
  • Tu ne vaux pas mieux que ton géniteur et ton ancêtre, je ne veux plus entendre vos sornettes, je vais regarder Patrick Sébastien à la télé ! »


éric

aev09 : Sacrebleu !!!

Interprétation de la scène


Papa papa, c’est beau ce qu’il a fait le monsieur, dit Dylan, 8 ans, en voyant la scène. Il va en faire encore des gros traits orange ? Ou avec une couleur  peut être.

Oh sacre bleu !!! dit Richard,  père de Dylan. Oh la la. Ah. Ouf !! il ne semble pas blessé.
Non Dylan le monsieur ne joue sur son échafaudage, son installation. Il n’a pas fait exprès de faire ce gros trait. Affreux, d’ailleurs se dit-il tout bas afin d’éviter une discussion avec son fils. 
Monsieur, ça va dit Richard à l’intention du peintre qui essayait déjà de se relever. Voulez-vous que je vous conduise chez le médecin, à l’hôpital ?

- Non. Eh oui avec cette humidité les planches sont glissantes. Mais comme je suis en retard dans mes travaux j’ai quand même tenté.

Eh vous pourriez faire plus attention !! vous avez mis de la peinture jusque dans mon panier, grommela une septuagénaire qui passait tout près de l’échafaudage. Si près qu’elle ne s’est pas rendu compte que Monsieur COLORIA a chuté. Enfin, elle pense que c’est son nom car c’est écrit sur sa blouse et sa fourgonnette.

Tous trois étaient aux côtés de « COLORIA ».
C’est beau monsieur lui dit Dylan. Tu vas en faire encore des traits orange ?

Et ma salade, mes radis, je ne peux plus les manger maintenant, se désolait la septuagénaire. Et à cette heure-ci il y en a plus sur le marché. Pauvre de moi ! 
Si vous vous relevez aussi facilement, ce n’est pas grave, alors.

- Vous savez ils annoncent du vent sec en fin de matinée, et du soleil pour cet aprem. Vous devriez attendre, dit le père ; ça serait plus prudent.

Oui non. Enfin avec le soleil la peinture séchera trop vite. Je ne pourrai pas l’étaler.

J’en ai eu pour 7 € 35 de légumes bons à jeter maintenant. Alors Monsieur COLORIA comment on fait ?

Allez viens Dylan, faut aller récupérer ta petite sœur à la crèche.

Je vous entends Madame lui répond-t-il en fouillant dans ses poches. Il en sort un billet de 10 € et le lui tend. Tenez pour le dédommagement.

C’est que je n’ai plus de monnaie .J’ai tout donné à la boulangère.

Pas besoin de me la rendre


Eh Monsieur, crie Dylan en s’éloignant, encore un gros trait bleu comme ça dans l’autre sens. (il tente de schématiser de sa main libre, l’autre étant dans celle de son père). J’amènerai mes copains pour les voir.

AEV09 : Hmmmmm

3 TROIS VOEUX
Vous tombez sur un génie bleu tout droit sorti d’une improbable lampe magique en plastique vert. Celui- ci vous accorde trois voeux ... mais tous ne sont pas pour vous. Lesquels formulerez-vous sachant que vous devez en faire un pour vous-même (charité bien ordonnée ...), un pour quelqu’un que vous détestez, le dernier pour l’humanité.


C’était une fin de journée d’été. Les oiseaux volaient frénétiquement au hasard des insectes qu’ils chassaient, tout en piaillant. La lumière baissait et enveloppait le village de couleurs orangées, terre battue.
Pas un souffle d’air. 
Au loin, les nuages et les sommets, noirs, se mariaient, se confondaient et menaçaient de se transformer en orage.
L’air était lourd, chaud, humide et pesant, désagréable. Les murs chauffés à blanc toute la journée rayonnaient et contribuaient à ce que je transpire un peu plus.
Au hasard d’un caniveau une lampe en plastique verte, façon mille et une nuit de pacotille, se détachait des autres immondices qui jonchaient le sol.
Je la ramasse et aussitôt un gaz bleuté s’en échappait, gaz qui prit une forme de bon génie tout droit sorti des studios Walt Disney.
Surpris, je mis quelques secondes pour réaliser et comprendre ce qu’il me disait. 
-« Pour te remercier de m’avoir libéré, je t’offre la réalisation de trois souhaits. Un pour toi, un pour celui que tu déteste le plus et un en faveur de l’humanité ».
Enfant j’imaginais tous les jours quels vœux je ferais si je croisais la route d’un génie. Aucune hésitation. J’étais un expert en ce domaine. Mais là, je sèche. Pas d’idée. Je tourne et retourne cette question dans ma tête, reformule, commence par mon vœux, puis change l’ordre en réfléchissant à ce que je pourrais donner à l’humanité. Rien. La panne.
Le génie me presse un peu, il n’a pas tout son temps à me consacrer. Il a d’autres missions qui l’attendent.
Alors il va falloir me lancer. 
Comment ne pas être mièvre, ne pas tomber dans le gnangnan, être original sans être farfelu, être intelligent sans griller de cartouche ? Pas simple. Il y a des pièges. Eviter les souhaits de richesse, de beauté, d’intelligence, de puissance, d’immortalité, trop narcissiques. Ne pas trop accabler celui que je déteste en utilisant ce privilège comme règlement de compte, trop indigne. Enfin comment passer à l’échelle de l’humanité ? Qui suis-je pour savoir ce qui est bon pour elle? 
Pourtant la question est simple : formuler trois rêves en étant sûr qu’ils se réalisent. Y’a pire dans la vie, convenons en.
Oui mais voilà, je ne sais par quel procédé, cela fait au moins trente ans que je ne me souviens pas de mes rêves. Jamais au grand jamais je ne me lève un matin en racontant un cauchemar ou un rêve à ma compagne.
Je pensais que si certains n’avaient pas les moyens de rêver en couleur, personnellement je ne rêvais pas du tout. Il paraît que ce n’est pas possible. 
Alors il faut se résoudre au fait que j’ai une mémoire du rêve comparable à celle du poisson rouge… 20 secondes. Un tour de bocal et RAZ du disque dur. Pathétique.
Et c’est là que je compris que je ne pouvais pas répondre à ces questions. Tapis et banqueroute de la Banque. Impair, rouge et pass.
-« Mon cher génie, je ne formulerai aucun de tes vœux. Je ne veux pas en être prisonnier, regretter, m’en vouloir, tel un vainqueur de premier rang du Loto qui blêmit à la lecture de son solde débiteur de son compte bancaire.
Alors voilà tu vas cumuler mes trois vœux que je n’utilise pas pour les donner à une autre personne que tu croiseras. C’est toi qui décideras à qui tu le proposeras ».

Je perçu le malaise quand le génie d’un beau bleu se transforma en nuage noir et que je senti les premières gouttes d’eau sur ma peau venant rafraichir l’atmosphère précédemment orageuse.

Je n’ai jamais su si cet orage était le fait du génie bleu exhaussant mes trois souhaits. 

AEV09 : Tu parles trop ...

3/ Trois voeux

Il m’est arrivé hier matin la plus improbable des histoires. Je marchais, comme à mon habitude, sur la plage encore mouillée de rosée, blanchie de l’écume d’un Pacifique mystérieux et envoûtant que  j’ai le bonheur d’observer, chaque jour, depuis plus de quarante ans. Je connais ce bout de plage, chaque centimètre carré de gazon qui surplombe l’océan par coeur et si chaque aube et chaque crépuscule m’émerveillent encore j’avoue ne plus être très surprise par l’immensité du spectacle quotidien dont je me délecte.
Or, hier matin, alors que je rentrais de la plage par Marine Street, arrivée à hauteur des piscines naturelles que forme la marée dans la roche, je vis, à quelques pas, flottant étrangement, une bouteille de plastique vert à l’intérieur de laquelle semblait s’agiter quelque chose que je n’arrivais pas à distinguer. Ma première réaction fut de penser qu’un poisson avait dû entrer dans la bouteille et qu’il était coincé à l’intérieur. Mon bon coeur me dit de libérer l’animal, assurément affolé, à l’agonie et de lui rendre sa liberté et sa vie. 

Mais en m’approchant, je vis que la bouteille était fermée par un bouchon. Intriguée par le « quelque chose » s’agitant vigoureusement à l’intérieur je me dis que cela ne me regardait probablement pas et je fis un pas en arrière lorsqu’une grosse voix m’interpella :

« - Eh bien bravo,  dit la voix, et maintenant, tu comptes vraiment partir ?

Je restais interdite, comme pétrifiée par une situation dont j’ai immédiatement pressenti qu’elle n’était pas tout à fait normale. « Tu rêves ma pauvre fille » me dis-je en moi-même et, avant même que j’aie eu le temps d’en finir avec ma pensée, voilà que la bouteille se remit à parler.

Enfin Vee, tu as toujours prétendu croire aux êtres d’ailleurs. Me voici. Je suis un génie. Un génie dans une bouteille et je suis là pour toi.
Comment ?, me dis-je en moi-même (oui, dans les situations qui sortent du commun, j’entretiens avec moi-même de longues discussions !), la bouteille connait mon nom …. ???
Allons ! N’aies pas peur Vee. Prends donc cette bouteille et ouvre-là. Je suis là pour toi. »

J’observais qu’il n’y ait personne autour de moi, ce qui, à cette heure de la journée est rarement le cas et, n’étant pas seule, je décidais de m’approcher, l’air de rien, de la bouteille qui commençait à attirer l’attention des passants.

« - C’est la mienne, dis-je tout en me retournant, un large sourire rivé au visage. Elle m’a échappé des mains et a roulé jusque dans cette … mare … ah !!! je ne suis pas douée, me sentis-je obligée de rajouter comme pour donner plus de poids à ma version des faits. 

Un vieil homme ricana. Chacun retourna à ses occupations. La bouteille de plastique vert gigotait entre mes doigts alors, portant ma main à hauteur d’yeux je vis une sorte de visage bleu me dévisager et j’entendis une voix chaude mais déterminée me commander,

Bon, tu l’ouvres cette bout… aïe, aïe, … non, mais c’est pas vrai ! Tu ne peux pas faire un peu attention !!! Vee, quand même … fais un effe… aïe !!! bon sang que ça fait mal. »

Effrayée, j’avais laissé tomber la bouteille qui roulait vers les mares salées serties de roches ocres et pain brûlé. J’hésitais … tournais les talons, puis la tête. La curiosité était trop forte. Je revins sur mes pas et, déterminée à ne pas me laissée impressionner, j’attrapais la bouteille d’un geste brusque et la fourrais au fond de mon ToteBag sans la regarder.

J’accélère le pas. Arrive devant mon immeuble. Appelle l’ascenseur pendant que dans mon sac j’ai l’impression de transporter trois kilos de pois sauteurs du Mexique. Je détache les clés que je porte toujours à la ceinture et, décidée à faire face à cette situation extra-ordinaire jette sur mon lit d’un même élan mon grand sac et mon courage accompagné d’un « A nous deux bouteille » aux airs d’un cri de guerre qui aurait fait pâlir Braveheart en personne.

Je pris la bouteille, le goulot à droite et, regardant « la chose parlante » qui l’habitait droit dans les yeux assénais :

« - Okay. J’ouvre la bouteille et te fais confiance. Tu ne me feras pas de mal, n’est-ce pas ?
Les deux plus gentils yeux du monde se jetèrent dans les miens et, oscillant de droite à gauche, confirmèrent que je ne risquais rien. Je dévissais le bouchon et sortis de la bouteille une sorte de vapeur informe et bavarde du plus beau camaïeu de bleu qu’il m’ait jamais été donné de voir.

Je suis ton génie Vee et j’ai trois voeux à t’offrir. Et, comme je suis ton génie, comme toi, je suis contestataire et un peu militant et du coup, un seul des trois voeux est pour toi. L’un s’adresse à quelqu’un que tu détestes et l’autre à l’humanité. Je t’écoute.
Mais …
Non, Vee. Ni mais, ni réflexion, ni mot inutile. Réfléchis et parle ensuite. Tu dois faire tes voeux maintenant. Et dans l’ordre. Je t’écoute. Quel est ton premier voeu ?

J’avais entendu parler de génies, un peu taquins, qui s’amusant de la surprise des humains abusent les gens qui épuisent leurs voeux en parlant trop. Avertie, … je me mordais la langue et réfléchissais.
Mon premier voeu, dis-je enfin, celui qui m’est destiné, ajoutais-je par précaution est, où que je sois, qui que je sois, de bénéficier des enseignements de toutes mes vies passées.
Mon second voeu est pour tous ceux que je n’aime pas : j’aimerais qu’ils soient pénétrés d’une conscience d’amour, de respect, de tolérance et de générosité.
Mon troisième voeu, pour l’humanité est que chacun ait, au cours de son existence humaine, l’occasion de vivre dans la forme d’un minéral, d’une plante et d’un animal pendant sept jours et sept nuits, et de ne pas l’oublier. »

Et ce matin, rocher sur ma plage de Californie, j’en prends plein la tronche ….


« - Ca change le paysage vu d’ici dis donc. Je me demande si je vais passer mes sept jours ici ? Oh, la la … ça va être long. Je parle toujours trop vite …. Meeeerrrrrde !!!!! J’ai même pas posé de jour de congé moi …! »

PENSÉE DU MOIS

PENSÉE DU MOIS